par Stéphanie Boucher
Se déplacer si loin pour discuter de mouches peut sembler étrange et peut-être moins glorieux que si le sujet était plus gros et charismatique! On ne se le cachera pas, les mouches ont mauvaise réputation. Certaines se nourrissent de votre sang, vous empêchant d’apprécier une belle soirée d’été, ou pire, vous exposants à certaines maladies tel que la Malaria ou le virus du Nil. D’autres sont nuisibles aux plantes alors que certaines, comme les drosophiles, envahissent vos maisons. Pourtant, les mouches occupent une place très importante dans notre environnement car elles servent de nourriture à ces plus gros animaux charismatiques tels les amphibiens, reptiles, poissons, oiseaux et mammifères, elles pollinisent les plantes, aident à la décomposition de la matière organique et contrôlent naturellement les populations d’insectes nuisibles.
Les mouches font partie de l’ordre des Diptères. Avec plus de 160,000 espèces, les diptères sont parmi les ordres d’insectes les plus diversifiés sur terre. Alors oui, un congrès sur les mouches réunissant plusieurs experts sur le sujet a définitivement sa place. En fait, le « International Congress of Dipterology » a lieu tous les 4 ans. C’est avec grand plaisir que j’ai eu la chance de participer à celui de Novembre 2018 en Namibie au Sud-Ouest de l’Afrique (fig. 1), grâce en partie, au prix d’excellence du CSBQ.
Fig. 1. Map de l’Afrique montrant la Namibie au Sud-Ouest
Mon groupe d’expertise est la famille Agromyzidae, communément appelé mouches mineuses. Elles sont petites, environ de la même grosseur que les mouches à fruits (drosophiles). Comme le nom commun de la famille suggère, plusieurs espèces se développent en tant que mineuses de feuilles au stade larvaire (fig. 2), mais les larves d’autres espèces se développent à l’intérieur des tiges, graines, fleurs et racines des plantes.
Fig. 2 Larve d’Agromyzidae (mouche mineuse) se nourrissant du tissu intérieur d’une feuille formant une galerie, ou une mine.
Lors de ce congrès, les résultats préliminaires de mes recherches de doctorat portant sur les mouches mineuses néotropicales ont été présentés oralement (fig. 3).
Lors de la première présentation (Boucher, S. Biodiversity and systematics of leaf-miner flies (Agromyzidae) in Costa Rican cloud forests.) les résultats préliminaires d’une année complète d’échantillonnage de diptères (incluant les Agromyzidae) par une équipe de parataxonomistes à l’intérieur de 3 sites de forêts pluviales du Costa Rica, ont été discutés.
Lors de la 2e présentation, dirigé par Marc Pollet (incluant plusieurs auteurs, dont S. Boucher) (Pollet, M. et al. How hot is the Mitaraka biodiversity spot in south-western French Guiana for Diptera?), les résultats préliminaires d’un échantillonnage de diptères (incluant les Agromyzidae) s’échelonnant sur un peu plus d’un mois dans les forêts quasi-inexplorées du massif du Mitaraka, dans le sud-ouest de la Guyane Française, ont été discutés.
Fig. 3. Stéphanie Boucher présentant « Biodiversity and systematics of leaf-miner flies (Agromyzidae) in Costa Rican cloud forests” lors du congrès International de diptères en Namibie.
Parmi les diptéristes présents au congrès, plusieurs provenaient du Canada (fig. 4), incluant Jade Savage (Université Bishop), Brad Sinclair, Jeff Cumming, Jess Skevington, Jim O’Hara (Collection Nationale Canadienne d’insectes, Ottawa), Doug Currie (Royal Ontario Museum) et plusieurs autres. J’ai également eu la chance d’échanger avec plusieurs autres diptéristes provenant des 4 coins du monde, incluant Brian Brown, Allen Norbom, Brian Wiegmann (États-Unis), Ashley Kirk-Spriggs (Afrique du Sud), Thomas Pape (Danemark); Marc Pollet (Belgique) et Marija Ivković (Croatia).
Fig. 4. Souper banquet du congrès. De gauche à droite: Brad Sinclair, Marija Ivković, Stéphanie Boucher, Jade Savage, Jeff Cumming
Avant le retour au froid du Québec, j’ai pu prendre une journée d’exploration afin de découvrir la faune et la flore de la Namibie. Parmi mes coups de cœur entomologiques on retrouve les nombreuses termitières, les criquets géants et les coléoptères du désert (fig. 5 a,b,c)! Lors d’un mini-safari j’ai également eu le privilège d’observer de près des girafes (fig. 5d), rhinocéros, oryx, springboks, autruches et des babouins!
Fig. 5. Exploration de la Namibie : a) termitière; b) criquet géant; c) coléoptère (Meloidae); d) giraffes
La Namibie c’est loin. Un voyage de 35 heures d’avion et d’escales! Mais cela en valait la peine. J’ai eu beaucoup de plaisir à assister à ce congrès. J’ai pu faire de nouvelles connaissances, discuter avec d’autres diptéristes et découvrir une petite partie de la Namibie. Le prochain congrès de Diptérologie aura lieu en Californie en 2022. Un vol beaucoup plus court et moins coûteux!
Au plaisir de vous y voir!
Stéphanie Boucher est candidate au doctorat à l’université McGill. Ses recherches portent sur la taxonomie et la systématique de petites mouches phytophages de la famille Agromyzidae. Elle a passé plusieurs années à faire des recherches au Musée d’entomologie Lyman sur ce groupe fascinant de mouches avant de poursuivre des études de troisième cycle sur la faune néotropicale peu connue.
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