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Comprendre et résoudre les conflits Humains- Éléphants à Campo-Ma’an

Par Isaac Blaise Djoko

Cet été, je me suis envolé vers le parc national de Campo-Ma’an sur la façade atlantique au Sud-Ouest du Cameroun en Afrique Centrale pour la première phase de collecte des données de ma thèse de Doctorat sur les ‘’Conflits Humains Faune Sauvage autour du Parc National de Campo-Ma’an’’, supervisé par Dr Robert Weladji du laboratoire d’écologie et conservation à l’Université Concordia. 

J’étais accompagné sur le terrain par Valérie Michel, technicienne vétérinaire du Zoo de Granby. Cette aventure dans la forêt équatoriale Camerounaise aura duré quatre mois ponctués de moments de détente sur les plages naturelles de Campo avec ses eaux brunes, et par d’intenses émotions. Sur le terrain, il fallait de temps à autre se convertir en dépanneur pour résoudre des pannes de moto. En effet, lors d’une tournée autour du Parc National, alors que nous étions au milieu de nulle part à environ 120 km de notre lieu de résidence, l’une de nos motos s’est éteint et pas le moindre atelier de dépannage dans les environs. Alors que nous nous sentions abattu, une idée nous vient de contrôler les niveaux d’huiles dans la moto. Nous avons improvisé un traitement rapide qui s’est avéré payant et nous avons repris la route!

La découverte des peuples autochtones Bagyéli

Jadis appelé Pygmées par leurs voisins Bantou, les peuples autochtones vulnérables d’Afrique Centrale seraient les seuls peuples originaires de la jungle équatoriale, de laquelle ils dépendent pour leur survie. Ils y sont adaptés par leur petite taille qui leur permet de se faufiler dans la dense végétation forestière à la recherche de leurs pitances quotidiennes. Avec l’appui des organisations de la société civile, cette tranche de la population riveraine du Parc National de Campo-Ma’an bénéficie d’une dérogation exceptionnelle à la loi faunique, qui leur permet de profiter des ressources naturelles des espaces relevant de l’aire protégée. Ceci n’est pas le cas des autres communautés, dont la loi faunique interdit toute activité contraire aux prescriptions du plan d’aménagement du parc. Pour cette minorité qui pratique une chasse de subsistance, abattre l’éléphant se faisait annuellement au cours des rituels visant à susciter la bravoure et le courage chez les jeunes. Leur milieu de vie s’est considérablement dégradé au fil du temps avec l’exploitation forestière, les agro-industries et l’activité minière, qui fragmentent l’habitat naturel de la faune et accroit le braconnage en facilitant l’accès aux zones reculées.

La faune mammalienne riche et discrète

Ce milieu qui constitue un point chaud de la biodiversité au Cameroun, abrite plus de 80 espèces de mammifères parmi lesquels l’éléphant de forêt, les gorilles de plaine de l’Ouest, les chimpanzés et le buffle de forêt. Contrairement à son cousin de savane, plus imposant par sa taille, l’éléphant de forêt est nain et se distingue par la forme de ses oreilles arrondie et ses défenses moins développés. En forêt, pas besoin d’être de grand gabarit car l’environnement est plus clément vis-à-vis des petits gabarits. N’est ce peut-être pas une bonne adaptation à l’environnement? Pendant tout le temps qu’aura durée notre séjour sur le terrain, nous n’avons vu aucun éléphant, aucun buffle mais plusieurs indices de présence tels que les empreintes fraiches et les restes d’alimentations qui nous rappellent tout le temps que les populations partagent cet environnement avec de grands mammifères discret et quasi invisible. Nous avons surtout apprécié le projet d’habituation des gorilles qui a cours sur l’île Dipikar avec pour but de booster l’écotourisme dans la région. Il est possible d’observer les gorilles à moins de 10m de distance dans la nature sans clôture. Très émouvant n’est-ce pas?!

Un site d’alimentation d’éléphant de forêt. Observez la grosseur des tiges broyées par ce pachyderme. Les dégâts sur la végétation environnante sont remarquables.

La forêt abrite une importante faune discrète et presque invisible dont l’interaction avec les humains se soldent par des pertes socio écologiques. Prendre conscience du danger que peut représenter la rencontre d’un éléphant agressif rend la traversée du parc émouvant. Pourtant, il est courant en forêt d’être vu ou entendu sans voir le moindre animal caché dans l’épaisse couche de végétation jouxtant les pistes. Alors que nous interviewons un ménage, un objet tout à fait particulier nous est présenté, un trophée de chasse, une dent d’éléphant. Celle-ci nous révèle à quel point l’animal est grand et plus tard, les dégâts observés sur le chemin et dans les plantations villageoises témoignent de la taille de l’animal qui mérite une attention particulière et son qualificatif d’espèce clé. Mais alors, pour combien de temps encore? Puisque les représailles et le braconnage pour l’ivoire menacent dangereusement sa survie.

Une molaire d’éléphant de forêt vue de dessus (gauche) et de profil (droite). Un animal qui aurait été abattu en représailles des dégâts causés aux cultures. Les éléphants ne sont plus visibles dans les villages où cette dent a été filmée disent les populations qui risquent ne plus jamais voir dans leur milieu de vie ces pachydermes.

Isaac Blaise Djoko est étudiant doctorant en écologie et conservation au Laboratoire du Dr Robert Weladji à l’Université Concordia et chercheur associé au Zoo de Granby au Canada. Son parcours professionnel au service des Eaux et Forêts Camerounaise fait de lui un passionné de la gestion durable des ressources naturelles. La conservation des mammifères et notamment l’éléphant de forêt et la coexistence pacifique avec les populations locales sont ses centres d’intérêts. http://robertweladji.com/people/isaac-djoko/

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Post date: March 25, 2019

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