Par Simon Morvan, Post-doctorant à l’Institut National de Recherche Scientifique
Du 24 au 26 juin avait lieu la conférence de la Société canadienne des microbiologistes à London, Ontario. Cet évènement annuel rassemble la plupart des laboratoires canadiens pour discuter de sujets variés telles que l’écologie, les biotechnologies ou l’immunologie.
J’ai pu y présenter une affiche scientifique montrant mes premiers résultats de mon projet de post-doctorat. Ceux-ci portaient sur l’analyse de l’expression génétique bactérienne dans un contexte de bioremédiation des eaux d’extraction des sables bitumineux.
Contexte pour comprendre les enjeux
Les sables bitumineux sont un mélange de sable et de bitume, une sorte de pétrole très visqueux. On en trouve beaucoup dans le sous-sol albertain, dans une région qu’on appelle le bassin d’Athabasca. L’extraction de ce bitume nécessite l’utilisation de grandes quantités d’eau mélangée à des solvants : environ trois barils d’eau pour un baril de pétrole brut. Ce processus génère des eaux résiduaires chargées en composés toxiques, qui doivent être traitées avant de pouvoir être relâchées dans l’environnement.
Actuellement, le volume des bassins de stockage de ces eaux atteint un chiffre astronomique de 1 600 milliards de litres, soit l’équivalent de 640 000 piscines olympiques. Autrement dit, on pourrait nager une distance équivalente à un aller-retour Montréal – Sydney dans ces piscines remplies de ces eaux polluées ! Cette situation pose un risque environnemental majeur, avec plusieurs cas de fuites et de décès d’oiseaux documentés.
L’innovation des marais filtrants : une solution d’avenir
Mon projet s’inscrit dans une étude visant à explorer le potentiel des marais filtrants pour détoxifier ces eaux. Les plantes produisent au niveau de leurs racines des molécules appelées exsudats racinaires, que les bactéries environnantes peuvent dégrader pour en extraire des nutriments. Ces exsudats racinaires peuvent être similaires aux composés toxiques présents dans les eaux d’extraction, suggérant que les bactéries pourraient être capables de les décomposer.
Des résultats prometteurs
Nos expériences montrent que la présence d’une plante hôte réduit significativement la concentration en acides naphténiques, l’un des composés les plus toxiques des bassins de stockage. De plus, nous avons observé une augmentation de l’expression des gènes appartenant à la famille bactérienne des Clostridiaceae dans les échantillons contenant des plantes. Certains membres de cette famille sont connus pour dégrader les acides naphténiques, renforçant l’hypothèse de leur rôle clé dans ce processus de détoxification.
Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour la bioremédiation des eaux d’extraction des sables bitumineux, offrant une solution potentielle à ce défi environnemental majeur.
Un voyage en train un peu rock n’ roll
Pour me rendre à London, j’ai pris le train depuis Montréal avec une escale à Toronto. Habitué aux trains à grande vitesse du vieux continent, j’étais assez surpris par la durée annoncée du trajet qui était semblable à celle estimée en voiture. Malgré un retard de 30 minutes sur le trajet Montréal et Toronto, cette première partie s’est bien déroulée. En revanche, une demi-heure après avoir quitté Toronto direction London, le train s’arrête. La commandante de bord nous informe qu’un problème empêche le train de redémarrer et qu’il nous tiendra au courant dès qu’elle aura plus d’informations. Les minutes passent, une heure s’écoule. Les mécaniciens n’arrivent pas à solutionner le problème. On ne sait pas trop comment ni à quelle heure on pourra rejoindre London. On nous distribue de l’eau et des biscuits. Finalement, la commandante nous explique que le prochain train qui se rend à London, va pouvoir nous embarquer. Pour cela, le train va s’arrêter parallèlement au nôtre, en alignant les portes afin qu’on puisse descendre entre les deux voies et monter dans le nouveau wagon. Bref, une expérience mémorable avec VIA Rail…
Les conférences qui m’ont marquées
J’ai beaucoup apprécié celle de Daniel Grégoire qui travaille sur la dégradation des déchets d’équipements électriques et électroniques (e-waste) par les bactéries. Ces déchets sont particuliers car ils contiennent des concentrations en métaux qui sont beaucoup plus hautes que celles qu’on retrouve dans des milieux naturels. Une des avenues de recherche explorées dans son laboratoire est la corrosion du cobalt. Le cobalt est un constituant majeur des batteries et se retrouve donc en grande quantité dans les décharges des équipements électriques et électroniques. Certaines bactéries produisent des molécules (phénazines) capables d’oxyder le cobalt ce qui permettrait ainsi d’envisager une de récupérer ce cobalt.
La conférence de David Good sortait également de l’ordinaire. Il travaille en coopération avec les Yanomami, un peuple autochtone vivant reclus dans un territoire à cheval entre le Brésil et le Vénézuela. Fait intéressant, les Yanomami ont un microbiote intestinal le plus diversifié découvert chez l’être humain. Ce riche microbiote intestinal diminuerait les maladies inflammatoires ce qui intéresse particulièrement les chercheurs.
Visite de la pépinière Heeman’s
En marge de la conférence, nous avons pu visiter la pépinière Heeman’s. Le lieu était immense avec une incroyable variété de plantes et d’arbustes ! Le propriétaire était également producteur de cidre et d’hydromel que nous avons pu déguster.
A propos l’auteur : Simon Morvan est chercheur post-doctoral à l’Institut National de Recherche Scientifique sous la direction d’Étienne Yergeau. Il travaille sur l’analyse des données génomiques d’un projet de bioremédiation des eaux affectées par le traitement des sables bitumineux. Le but est de savoir si certains micro-organismes permettraient d’accélérer la dépollution de ces eaux contaminées. Diplômé d’un doctorat en février 2023, sa thèse portait sur le microbiote de l’environnement racinaire du bleuetier sauvage en contexte agricole.
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