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“La biologie c’est le corps humain, c’est ça ?”

par Gabrielle Trottier

Quand les gens me demande ce que je fais
dans la vie, je leur dis bien humblement : “Je suis étudiante à la maîtrise en
biologie” (c’est bien ce qui sera inscrit sur mon diplôme, non?).
Habituellement leur réponse ressemble vaguement à ça : “Ahhhhh, vous étudiez le
corps humain vous madame”. Non, la biologie c’est pas seulement un détour
obligatoire pour ceux qui veulent devenir docteur. Depuis, je dis plutôt aux
gens que j’étudie en environnement, comme ça pas de confusion. Mais encore là,
ça laisse à place à des réactions assez intenses ou bien tout simplement une
absence de réaction. À vous de juger ce qui est le mieux.

C’est ce qui est arrivé quand je suis
embarquée dans le taxi qui m’emmenait à l’aéroport un dimanche de mai, à 4h15
du matin, chaque gorgée de smoothie qui me donne juste un peu plus mal au cœur.
J’ai eu droit à un grand discours d’indignation contre le pollen. T’sais, vu
que j’étudie en environnement, j’connais certainement la solution pour que les
arbres arrêtent la pollinisation. Bref, j’en profite pour expliquer au
chauffeur, tant bien que mal, que le printemps ben c’est la saison des amours,
pis pas juste chez les animaux, voyez ce que je veux dire.

“Comment vont tes cours/examens ma petite
fille?” La majorité des gens que je rencontre (en dehors du milieu académique)
ont de la difficulté à concevoir ce que je fais sur une base journalière si je
n’ai pas de cours et pas d’examens. En science, ça veut dire que tu travailles
d’arrache-pied à apprendre, de manière autodidacte, tous les métiers qu’on ne
t’as pas appris et que t’as besoin d’apprendre pour être considéré comme un
vrai biologiste (technicien, statisticien, chimiste/physicien, écrivain et
conférencier), pis oui ça prend du temps. Il n’y a rien de mieux que la
pratique pour maîtriser l’art de toutes ces professions.

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L’affiche officielle de la conférence, par
Gabrielle Trottier

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Vue sur Milwaukee, par Gabrielle Trottier

Cette semaine, après trois mois à
perfectionner la statisticienne en moi, j’ai eu la chance d’aller pratiquer
l’art oratoire dans un coin de pays pour le moins exotique, Milwaukee,
Wisconsin, États-Unis d’Amérique. J’y ai présenté les tous premiers résultats
des mes travaux de recherche à la conférence pour la “Society for Freshwater
Science”. J’ai pu expliquer à une audience spécialiste en eaux douces et en
macroinvertébrés, l’influence du marnage (i.e., fluctuation du niveau de l’eau),
du régime de déposition et de température sur l’abondance des macroinvertébrés.
Après deux saisons de terrain à collecter des données, plusieurs mois
d’identification de macroinvertébrés et quelques autres mois d’analyses
statistiques, mes résultats démontrent que l’abondance des macroinvertébrés est
fortement influencée par l’amplitude du marnage, plus le marnage est important,
moindre est l’abondance. De plus, tout comme dans les travaux réalisés par
Rasmussen et Rowan (1997), mes résultats démontrent que le régime de
température influence aussi l’abondance de macroinvertrébrés, ceux-ci sont plus
abondants où les températures sont plus clémentes. Toutefois, mes résultats ne
confirment pas ceux de Rasmussen et Rowan (1997) concernant l’influence du
régime de déposition. Ceux-ci avaient démontré qu’à l’échelle d’un lac,
l’abondance de macroinvertébrés était significativement plus élevée dans un
environnement calme et riche en nourriture (i.e., une baie peu profonde) versus
un environnement dynamique, où les ressources alimentaires sont plus éparses
(i.e., une rivage balayé par les vagues). Mes travaux cherchaient à extrapoler
cette théorie à une échelle multi-lac, ce qui n’a pas été possible.

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Mon modèle linéaire généralisé mixte
décrivant la relation entre l’abondance de macroinvertébrés, l’amplitude du
marnage et le régime de température. Les lignes pointillées représentent
l’intervalle de confiance (95%). Les échantillons récoltés
dans l’épilimnion représentent des températures plus clémentes, et ceux
dans l’hypolimnion des températures plus froides.

Assister à une conférence, c’est aussi
s’adonner à une séance de réseautage extrême, comme un “speed-dating” de
réseautage qui s’étale sur plusieurs jours, mais aussi avoir la chance
d’assister à des conférences données par des gros noms du milieu. Dans le cadre
de cette conférence, je ne connaissais pas particulièrement les gens qui ont
donné les conférences, blâmons mon manque de culture. Toutefois, lors de
la conférence “Genomes to Biomes” qui prenait place à Montréal l’an dernier,
j’ai eu la chance d’assister à la conférence donnée par Paul Nicklen,
biologiste de formation maintenant photographe et journaliste scientifique pour
National Geographic. Cette présentation, exclusivement basée sur une série de photos prises
par le présentateur lui-même, s’est taillée une place dans mon top 5 des
meilleures conférences auxquelles j’ai assistées. Celui-ci utilise ses photos
pour démontrer à la fois des concepts scientifiques, mais surtout pour
sensibiliser les gens à la cause des changements climatiques, plus spécialement
aux pôles. J’assisterais sans hésiter, une seconde et troisième fois à sa
présentation, littéralement du bonbon pour les yeux et les oreilles. Où en
étais-je donc? Ah, oui. Wisconsin, “where it is all about cheese and beer”.

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Pingouins Empereurs, par Paul Nicklen

Tant qu’à être dans une ville étrangère
quelques jours, mieux vaut en profiter pour s’imprégner de la culture et des
gens de l’endroit, à Milwaukee ça veut dire manger du fromage et boire de la
bière, je sais “very fancy” me direz-vous. Laissez moi vous dire que je n’ai
pas seulement trempée ma grosse orteil, mais bien plongée tête première dans
le… FROMAGE! Pas la bière quand même, je suis à Milwaukee pour la conférence,
“wink wink”. La “foodie” en moi a rapidement déniché quelques bons endroits où
manger aux alentours du centre de conférence. Le “Milwaukee Public Market” est
définitivement l’un de mes coups de cœur. On y trouvait à la fois une cuisine
santé et végétarienne au “Green Kitchen”, de décadents “grilled cheese” au
“West Allis Cheese and Sausage Shoppe” et un latte à tomber par terre à
l’excellent “Anodyne Cafe”. J’vais m’arrêter ici côté bouffe, parce que ça ne
finira jamais. J’vous ai dit que j’étais vraiment “foodie”?

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Vue sur le “Milwaukee Public Market”, par
Gabrielle Trottier 

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Un “Sunflower spread collard green
wrap”, par Gabrielle Trottier

Côté culturel, j’ai visité le “Milwaukee
Public Museum”, qui était en pleine reconfiguration des expositions, mais qui
s’est tout de même avéré intéressant. Dans le cadre de la conférence, nous
avons aussi eu droit à un 5 à 7 au “Discovery World : Science &
Technology Center” où il y a un modèle réduit, mais loin d’être miniature, de
l’écosystème des Grands Lacs. Enfin, le vendredi, j’avais prévu une journée de
découverte de la ville en vélo “Bublr”, le même genre de système que les Bixi à
Montréal. Je me suis rendue dans le quartier historique de “Brady Street” où
j’ai d’abord pris un thé, puis visiter une superbe boutique d’antiquités. À mon
retour, toujours en vélo, j’ai longé la rive du lac Michigan jusqu’au
centre-ville, où j’ai terminé ma journée par un autre visite au “Milwaukee
Public Market”, évidemment.

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Spécimen de méduse à l’aquarium
de “Discovery World”, par Gabrielle Trottier

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Mon “Bublr” pour la journée, par Gabrielle
Trottier

Bref, sans l’aide du CSBQ, rien de tout ça
n’aurait été possible, merci mille fois! Assister à une conférence à l’étranger
est une expérience que je souhaite à tous. Si je n’avais qu’une seule recommandation
à vous faire, ça serait de prendre de le temps de s’imprégner du pays, de
l’état ou de la ville où vous séjournez. On a qu’une seule vie à vivre et on
passe tellement de temps au bureau, pourquoi ne pas en profiter pour faire les
touristes rien qu’un petit peu?

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La terrasse du “Milwaukee Public
Market”, par Gabrielle Trottier

Références

Rasmussen, J. B., & Rowan, D. J.
(1997). Wave Velocity Thresholds for Fine Sediment Accumulation in Lakes, and
Their Effect on Zoobenthic Biomass and Composition. Journal of the North
American Benthological Society
, 16(3), 449–465.

http://www.freshwater-science.org

http://www.paulnicklen.com

http://www.milwaukeepublicmarket.org/main.html

http://www.mpm.edu

http://www.discoveryworld.org

Post date: July 29, 2015

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