
Par Chloé L’Ecuyer-Sauvageau
La 18ème conférence internationale sur les algues nuisibles (International Conference on Harmful Algae – ICHA) a eu lieu du 21 au 26 octobre 2018 à Nantes, en France. Cette conférence a rassemblé des chercheur.e.s s’intéressant aux algues en milieu marin et en eau douce et aux enjeux que ces algues posent pour la santé, l’écologie et les systèmes socio-économiques. J’ai eu l’opportunité de présenter mes résultats de recherche sur les préférences des usagers de l’eau dans le sud du Québec pour quatre services écosystémiques, face à la problématique des algues bleu-vert, dans une session dédiée aux impacts socio-économiques.
Parmi les divers sujets qui ont été explorés dans le cadre des présentations orales, des posters et des présentations éclair, quelques-uns ont particulièrement attiré mon attention. Dans un premier temps, le recours à la science citoyenne a été évoqué à quelques reprises en tant que complément à la collecte de données scientifique, en tant qu’outil de sensibilisation des communautés et en tant qu’objet de recherche. Une étude en particulier, présentée par Melissa Peacock (Poster 322, Ignite session 2), s’est intéressée à la teneur et à la distribution des toxines dans les palourdes jaunes suite à la préparation de celles-ci selon les méthodes traditionnelles de la nation Coast Salish. Son étude démontrait que le retrait de certaines parties de la palourde selon les méthodes traditionnelles permettait d’éliminer une partie des risques de l’intoxication paralysante, mais n’éliminait pas celui-ci. Cette étude et sa collaboration avec des membres de la nation Coast Salish permet de mettre en lumière les risques auxquels sont exposés les individus qui collectent les palourdes pour fins de subsistance, malgré les précautions qui sont prises par ceux-ci.
L’importance de la communication entre les scientifiques et les gestionnaires côtiers a été mentionnée dans le cadre d’une présentation par Daniel Ayres (présentation O-240). La présentation de ce gestionnaire lors d’une conférence scientifique (très) spécialisée était très intéressante et éclairante sur l’importance de bien communiquer l’information scientifique aux gestionnaires, mais également sur l’importance d’avoir un dialogue avec ceux-ci. Il a mis de l’avant son rôle de courroie de transmission entre les scientifiques, les citoyens et les décideurs publics. Un dialogue avec les gestionnaires permet d’informer la recherche scientifique et d’effectuer une transmission des connaissances, nécessaire pour une bonne prise de décision. Son propos a été amplifié, à mon avis, par la discussion qui a eu lieu lors d’une session sur le recours aux approches chimiques pour combattre les effloraisons de cyanobactéries (O-095). Le débat portait sur le fait que des produits chimiques sont utilisés dans certains plans d’eau pour permettre une utilisation récréative de ceux-ci, suite à des pressions exercées par la population, et ce, en l’absence de preuves sur les effets à long terme des produits chimiques. De façon générale, il y avait un consensus à savoir que les méthodes de remédiation à long terme sont plus sures pour l’environnement et les humains, suivant le principe de précaution, et que les approches chimiques relevaient du ‘band-aid’. Toutefois, la perspective adoptée par les intervenants en était une de spécialiste détaché face à la situation. Elle ne prenait pas en compte les émotions des humains qui doivent composer avec ces écosystèmes dégradés et qui ne peuvent plus en profiter. Ce détachement ne peut être productif dans un dialogue avec la population et peut mener à des situations où des mesures populistes sont préconisées, telles que la recherche de solutions ‘miracle’ qui élimineraient les cyanobactéries en 3 mois (G. Boyer, O-163). Pour mieux répondre aux préoccupations de la population, une conciliation entre des solutions à court et à long terme peut se faire, en commençant par un dialogue. Plusieurs méthodes sont disponibles pour faciliter cet exercice, dont le recours aux approches délibératives ou en développant de bonnes relations avec le milieu, tel que mentionné par M. Ayres.
Dans un sens, la recherche que j’ai présentée dans le cadre de cette conférence rejoint ce point. En ayant une meilleure connaissance des préférences des individus vis-à-vis des services écosystémiques fournis par les plans d’eau, il est possible d’entamer un dialogue avec les préférences des individus comme point d’ancrage.

Photo : Vue de l’UBO (et de l’UMR-AMURE) à Plouzané.
Au-delà de la conférence, cette visite en France m’a permis d’aller rencontrer des chercheur.e.s de l’UMR-AMURE à Brest (Plouzané) et de donner un séminaire. J’ai aussi pris cette opportunité pour visiter les villes de Nantes et de Brest. Les machines de l’île à Nantes ont définitivement été un coup de cœur. J’aimerais donc remercier le CSBQ de m’avoir donné l’opportunité de me rendre à l’ICHA, par le biais d’un Prix d’Excellence.

Photo : L’Éléphant des Machines de l’Île à Nantes.

Chloé L’Ecuyer-Sauvageau est étudiante au doctorat à l’Université du Québec en Outaouais sous la supervision de Jérôme Dupras. Son projet de doctorat porte sur l’évaluation monétaire et non monétaire des services écosystémiques liés à la qualité de l’eau dans un contexte de floraison de cyanobactéries dans le sud du Québec. Ses intérêts de recherche portent principalement sur l’économie écologique, l’aménagement du territoire et la conservation d’espaces naturels.
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