C’est avec plusieurs mois de retard (désolé …) que je me décide à raconter le pourquoi du comment j’ai participé au congrès du WAMBAM en Écosse au mois d’août dernier grâce au Prix d’Excellence du CSBQ. Hé au fait, “WAMBAM” ça veut dire Wild Animal Model BienniAl Meeting … autrement dit, pas grand chose pour celui qui ne connait pas le monde de la génétique quantitative.
Pour faire simple, ce meeting est une occasion pour une cinquantaine de chercheurs / étudiants de se retrouver pour boire des verres discuter autours de la génétique quantitative en population naturelle. La génétique quantitative c’est quoi? C’est un peu le moyen de dire des trucs sur la génétique sans toucher à la paillasse. Comment fait-on? On utilise des outils mathématiques, parmi eux: le modèle animal (qui peut tout a fait être appliqué chez nos amies les plantes). En deux mots, le modèle animal c’est un modèle mathématique dans lequel on entre nos données sur le pedigree des individus (identification du père et la mère, de mes frères et mes sœurs) ainsi que leur données phénotypiques (combien ils mesurent, pèsent … ) et le modèle nous calcule différents paramètres tel que la variance génétique, les corrélations génétiques … et l’héritabilité. L’héritabilité c’est le pourcentage de variance phénotypique dans la population qui est expliqué par les gènes. Pour le dire grossièrement c’est ce qui est transmis à la génération suivante.
Qui dit transmission, dit Évolution dans le temps. Vous avez compris, si la sélection naturelle est le moteur de l’évolution, son action n’a de sens au yeux de l’évolution que si elle est ciblée sur ce qui est transmis. Pour le dire autrement, si un individus meurt foudroyé un soir d’orage, ce n’est pas de la sélection naturelle, car il n’y a aucune transmission d’information à la génération suivante du pourquoi cet individu est mort (ce n’est pas dû à ses capacités phénotypiques).
Bref, tout se blabla pour dire que calculer l’héritabilité c’est très important lorsque l’on s’intéresse à l’évolution! Sans héritabilité, pas d’information transmise entre les générations, et donc pas d’évolution. Savoir si un trait est héritable c’est bien, mais quantifier cette héritabilité c’est encore mieux (ça nous donne une information sur la vitesse à laquelle peut aller l’évolution). Et pour faire ça, rien de vaut la génétique quantitative et son modèle animal.. qui plus est, en Écosse!
Maintenant que le cadre est posé, c’était quoi exactement ce regroupement de chercheurs que représente le WAMBAM? Le principe est le suivant: tous les 2 ans, des chercheurs venant de partout dans le monde se retrouvent dans un lieu perdu pour jaser génétique quantitative pendant une semaine. J’insiste sur la dénomination de “lieu perdu”! Hors de question de se retrouver sur le campus d’une université à 10min d’une bouche de métro! Non, ici on retourne aux sources et on assume fièrement sa fibre naturaliste. Si le dernier meeting s’était tenu il y a 2 ans à Galéria (petit village Corse de 300 âmes), il a fallut cette année rouler 3h dans la campagne écossaise vers le nord d’Edinburgh pour atteindre la petit station biologique de Kindrogan:
C’est dans ce bâtiment datant du 16ème siècle, entouré des Highlands écossais, que s’est déroulée notre semaine dédiée à la génétique quantitative. Au menu: conférences des participants toute la journée et apéro le soir suivi d’un repas écossais avec de la bière. Ce qui me marquera le plus durant cette semaine c’est l’ambiance “friendly”, à l’opposé des gros congrès internationaux de 1500 participants. Ici, l’accent était donné sur la discussion, quitte à empiéter sur les présentations. Présentations auxquelles j’ai participé, moi et mon stress. Car oui, tout doctorant en science sait qu’il va devoir passer un jour ou l’autre par l’inévitable présentation orale de ses résultats devant un parterre de chercheurs internationaux tous plus intimidant les uns que les autres. Anyway, j’ai fait come tout le monde et je me suis prêté au jeu. J’ai pu présenter durant 20min mes nouveaux résultats sur l’autocorrélation spatiale et la sélection naturelle!
Ok, un petit break s’impose pour expliquer en deux mots de quoi il s’agit ici: L’autocorrélation spatiale est un phénomène universel dans la nature qui signifie tout simplement que les objets les plus proches spatialement le sont aussi phénotypiquement. En bref, j’ai plus de chance de ressembler à mon voisin qu’avec une personne prise au hasard. Vous vous en doutez, les causes de ce phénomène sont multiples et peuvent venir directement des individus eux-mêmes (si par exemple j’ai choisi d’être proche de mes semblables) ou de l’environnement (si notre environnement local nous rend, mon voisin et moi, semblables). Après m’être intéressé à l’autocorrélation spatiale, une idée m’est venue: “Hé, mais si ce phénomène pouvait biaiser notre estimation de la sélection naturelle dans la nature?”. Je vous passe le pourquoi du comment cette idée n’est venue … mais en fin de compte il s’avère que oui! La sélection naturelle est bel est bien surestimée par l’autocorrélation spatiale dans la nature!
Revenons à nos moutons. Ma présentation passée, j’ai pu retrouver un rythme de respiration normale. Le bilan de cette présentation fut très positif, suscitant au passage de nombreuses discussions avec plusieurs chercheurs.
Et cerise sur le gâteau, nous avons pu apprécier les magnifiques paysages Écossais lors de la randonnée organisée la dernière journée dans les Highlands.
Cette petit visite écossaise fut une très belle expérience m’ayant permis de faire connaître mes travaux à des chercheurs internationaux, et au final de poser des visages derrière les noms de chacun des auteurs des publications que je lis au quotidien!
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