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Vingt mille bactéries sous la mer : une plongée dans le monde mystérieux des microbiomes marins

Par Laura Lardinois, étudiante au doctorat à l’université McGill

Petite, la mer, pour moi, était une étendue d’eau froide aux reflets tantôt gris fer, tantôt vert Véronèse… 

Une ligne d’horizon entrecoupée par les acrobaties des oiseaux marins.

Cet été, dans le cadre de ma recherche, j’ai eu l’occasion d’y plonger moi aussi.

Ma mission : découvrir les communautés microbiennes – c’est-à-dire, les bactéries, archées, champignons, et virus microscopiques qui se trouvent dans l’eau ainsi que sur – et à l’intérieur – des animaux marins, formant leur microbiome.

L’objectif : étudier les interactions entre l’environnement (l’océan), les conditions environnementales (température, nutriments, oxygène), les animaux marins (les hôtes), et leurs microbiomes dans les récifs coralliens.

Pourquoi?  

Les microbes ont des super-pouvoirs : leur capacité de se multiplier rapidement, de partager du matériel génétique (un peu comme des élèves qui font passer un copion entre eux pour réussir un examen), étant de petite taille mais ayant de grandes populations, disposant d’une variété impressionnante de diètes (métabolismes), leur permettent de s’adapter à des changements environnementaux rapides et de tolérer même les environnements les plus extrêmes.

Nos actions menacent actuellement les écosystèmes marins partout dans le monde : le réchauffement climatique, la surpêche, la pollution – tous ces éléments de stress anthropiques mettent la pression sur nos océans. Dans les récifs coralliens, des havres de biodiversité abritant toutes sortes d’espèces uniques, nous voyons déjà des signes avant-coureurs de mauvaises nouvelles ; au fur et à mesure que les océans se réchauffent et que le taux en oxygène diminue, la fréquence et la sévérité des phénomènes de blanchissement des coraux (une réaction de stress qui peut entrainer la mort des coraux) augmentent.

Cependant, les communautés microbiennes associées à des animaux marins, par l’intermédiaire des services qu’ils fournissent à leurs hôtes (nutriments, protection contre les pathogènes…) pourraient être clés dans l’adaptation et la survie des animaux marins aux changements environnementaux.

L’endroit : le Panama – un petit pays en Amérique centrale qui recèle des milliers d’espèces.

L’Isthme de Panama – cette petite bande de terre qui connecte le reste de l’Amérique centrale à l’Amérique du Sud – a séparé, il y a environ 3 millions d’années – une grande mer en deux océans; l’océan Pacifique et l’océan Atlantique.

Du coup, les animaux marins se sont trouvés face à une barrière terrestre infranchissable, ayant pour résultat la création d’une série d’espèces sœurs de part et d’autre de l’isthme qui se sont adaptées aux conditions différentes des deux océans.

Du côté Pacifique, le Golfe de Panama subit des changements saisonniers dû à la remontée des eaux; pendant quelques mois chaque année, des vents déplacent l’eau chaude en surface, faisant remonter de l’eau froide, riche en nutriments et faible en teneur d’oxygène. 

La grosse question : par quels moyens les animaux marins et leurs microbiomes ont-ils survécu à ces grands changements environnementaux – l’un à échelle temporelle géologique (formation de l’isthme de Panama : très lent), l’autre saisonnier (remontée des eaux : rapide)?

Étudier cette question dans un milieu naturel nous permet de mieux comprendre la capacité des organismes à s’adapter à des changements environnementaux afin de mieux savoir protéger le monde marin face au changement climatique.

A person sitting on a boat

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L’auteure : Laura Lardinois est une étudiante en doctorat à l’université McGill qui s’intéresse aux microbiomes et à leurs rôles dans l’adaptation et la résilience des animaux face aux changements climatiques. Elle étudie actuellement les interactions entre les hôtes et les microbiomes dans les poissons tropicaux au Panama et essaie toujours de trouver un moyen d’intégrer l’art et la vulgarisation scientifique dans sa recherche. Grâce au prix d’excellence du CSBQ, elle a pu obtenir son brevet de plongée PADI pour nager aux côtés de ses poissons.

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Post date: November 20, 2023

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