Enable Dark Mode!
La chasse : Principale source d’émission de plomb dans l’environnement

Par Ludovick Brown

Quand on pense aux effets de la chasse, on pense généralement à la surexploitation, aux dérangements, aux effets sur la structure des populations, mais rarement voyons nous cette activité comme étant une source de pollution. C’est pourtant le cas.

Au Québec, la période de chasse à la grande faune débute généralement à la fin septembre et s’étend jusqu’au début décembre. Durant cette période, plus de 70 000 cerf et orignaux sont récoltés annuellement. La très grande majorité de ces animaux sont éviscérés sur le terrain et leurs viscères se retrouvent ainsi dans les forêts où ils deviennent de la nourriture facile pour les charognards et les carnivores ou omnivores opportunistes. Ces animaux ont donc accès à une source de nourriture riche en énergie tout juste avant l’hiver ce qui, à première vue, peut sembler avantageux. Par contre, cette source de nourriture contient une concentration étonnante de plomb et cela est susceptible d’avoir une influence sur la biodiversité.

Le plomb est un métal malléable et facilement accessible qui possède aussi d’excellentes propriétés balistiques. Il s’agit donc d’un matériel de choix, du moins sur papier, pour fabriquer des munitions à faible coût. Bien que peu coûteuses, les munitions en plomb ont deux problèmes majeurs: (1) la toxicité du plomb et (2) elles ont la fâcheuse tendance à se fragmenter suite un impact. Le premier problème est assez bien documenté et personne ne devrait avoir besoin d’en être convaincu. Pour ce qui est du deuxième aspect, beaucoup de gens ignorent l’existence de ce problème ou sous-estime le nombre de fragments qui peuvent être produits par l’impact d’une balle. En effet, un projectile en plomb peut libérer plusieurs centaines de fragments de métal dans un rayon de 45cm dans les tissus et organes autour du point d’impact. La majorité de ces fragments sont invisibles à l’œil nu (nanoparticules) et peuvent être ingérés sans que les animaux (y compris les humains!) s’en rendent compte. Ces derniers courent ainsi le risque de s’empoisonner.

C’est exactement ce qui arrive chaque année durant la période de chasse. Les niveaux de plomb sanguin augmentent chez les organismes qui se nourrissent des viscères jetés par les chasseurs et une simple revue de littérature sur le sujet permet de constater à quel point le lien entre la chasse et l’exposition au plomb est bien établie chez les charognards aviaires. Il y a aussi une relation positive entre la consommation de venaison et les niveaux de plomb chez les humains. Il est important de rappeler que le plomb est une substance excessivement toxique à faibles concentrations et qu’une exposition même modérée peut avoir des effets importants sur les systèmes nerveux et reproducteurs des vertébrés qui y sont exposés. L’exposition au plomb est donc un enjeu de conservation puisque cet élément peut affecter la dynamique de quelques populations animales dont certaines ont un statut préoccupant. 

La bonne nouvelle dans tout ça? L’exposition au plomb provenant des munitions est 100% évitable puisqu’il existe des alternatives, dites non-toxiques, qui sont parfaitement viables et efficaces pour chasser plusieurs types de gibier. Le fait d’utilisé de la grenaille en acier ou en plomb pour chasser le petit gibier n’a eu aucune influence sur le ratio Récolte: Coups de feu et n’augmente pas le risque de blesser inutilement un animal. Cela vaut aussi pour d’autres alternatives comme les différents alliages faits de bismuth de zinc ou de tungstène. La seule différence est que les grenailles alternatives sont beaucoup moins toxiques que celle en plomb et sont donc moins susceptibles de causer des problèmes de santé aux organismes qui pourraient les ingérer. Ici, il est important de noter que l’usage de plomb est seulement interdit pour la chasse aux oiseaux migrateurs, du moins au Canada, et qu’il est dont parfaitement légale d’utiliser ces munitions toxiques pour chasser le lièvre et les oiseaux terrestres comme les gélinottes, ainsi que les ongulés et les ours.

Les munitions en cuivre—la principal alternative au plomb dans les carabines et fusils de chasse—sont aussi efficaces que les munitions traditionnelles tout en étant moins dommageables pour la faune et l’environnement. Deux études ont démontré que les munitions en cuivre sont aussi efficaces que les projectiles de même calibre faits en plomb pour chasser le sanglier, le chevreuil et le wapiti. En d’autres mots, pas besoin de plomb pour chasser la grande faune. Toutes les munitions utilisées lors de ces études ont été en mesure d’incapacité un animal rapidement, mais ont généré peu ou pas de fragments et ceux-ci étaient visibles à l’œil nu…et beaucoup moins toxique que le plomb.

Il est vrai que le cuivre est plus dispendieux que le plomb ce qui fait légèrement grimper le prix de ces munitions. Par contre, il est important de noter que les munitions représentent une infime partie du budget de chasse d’un individu. En effet, l’arme à feu, les vêtements, les permis, la location de terrains, l’essence, le boucher et sans oublier tous les autres accessoires représentent la majorité des dépenses. Donc, une boîte de projectiles en cuivre à 30$ représente un ‘’investissement’’ négligeable lorsque comparé à une boite de munitions en plomb à 15$… Cette différence peut toutefois varier selon le calibre, le type d’arme à feu et aussi du type de munition, mais règle générale, la différence de prix n’est pas exorbitante. 

Dans mon cas, je juge que ça vaut la peine de dépenser 15$ de plus par année, afin de ne pas m’empoisonner, ne pas empoisonner ma famille et ne pas empoisonner la faune.

Ludovick Brown est étudiant au doctorat en biologie et étudie sous la supervision de Fanie Pelletier à l’université de Sherbrooke. Dans le cadre de son projet, il s’intéresse à l’influence de la chasse sur l’écologie alimentaire et l’exposition au plomb chez les ursidés. 

Post date: August 11, 2019

0 Comments

Submit a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *