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La communauté de l’antenne

Par Solange Barrault

Ce post a été soumis lors du concours d’essai du colloque 2020 du CSBQ / This post was submitted to the 2020 QCBS symposium essay contest

10 juin 2019 – Extrait du journal de bord de Solène

En cette sombre soirée, nous partons combattre la nuit et le froid, comme à notre habitude ces derniers temps. Notre escouade compte 4 personnes, dont ma fidèle acolyte Camilla. Nous ne connaissons que depuis peu Ève-Marie et Sophie-Anne, mais elles ont l’air de confiance (note de l’auteure : les noms ont été modifiés pour préserver leur anonymat, merci de votre compréhension). Avec ma cheville en rétablissement après une mauvaise chute quelques jours plus tôt, il nous fallait une équipe unie. La mission? Confirmer la localisation de la bête.

Le décor est posé pour nous: nuit noire, petite pluie fine. Une forêt dans la montagne, un hululement de chouette… La traque commence.

L’ascension est elle-même une épreuve, mais après des semaines d’entraînement, cette montée est le moindre de nos soucis. Arrivées sur le site, nous nous rendons compte que Mère Nature a encore une fois corsé le niveau. La forêt s’est transformée en un marais étendu. Les cavités naturelles se sont remplies avec la pluie incessante des derniers jours. Traverser les mares, ne pas tomber. Il fait déjà sombre. Sauter sur des roches pour passer de l’autre côté, ne pas glisser… Nous nous enfonçons dans le bois. Plus profondément. Nous faisons une confiance aveugle à notre antenne de télémétrie qui – nous l’espérons en tout cas – nous rapproche de l’antre du monstre.

Soudain les sons émis par l’appareil se font plus fort en direction du nord-ouest.

Bip bip. L’excitation mêlée d’appréhension nous tord les boyaux. Nous avançons. Bip bip. Plus vite. Bip bip. Peu importe les obstacles. Bip bip. Nous y voilà!

En silence, nous prenons les coordonnées du terrier où dort la créature. Je relève les dernières données afin que l’on puisse partir au plus vite. Tout à coup, l’arbre mort tombé à terre sur lequel je me tiens se brise, m’avalant entre ses branches – Craaac

Une douleur vive s’empare de moi. Ma cheville! Je ne peux plus bouger, je suis coincée dans les griffes de ce végétal maléfique!

Heureusement Camilla vient à mon secours, et avec l’aide d’Ève-Marie et Sophie-Anne, elle m’extirpe de mon mauvais pas. Mais impossible pour moi de marcher. Nous voilà à quatre, dont une blessée, au beau milieu de la forêt, dans la nuit noire, sous la pluie, et à deux pas de la tanière de la bête…

N’écoutant que son courage, Camilla m’agrippe et me met sur son dos. Nous repartons. Beaucoup plus lentement qu’à l’aller. Nous espérons rejoindre le sentier, et rentrer chez nous au plus vite. Deux chemins s’offrent à nous. Celui de l’aller : long, tortueux et criblé de petits lacs à traverser mais connu ; et un raccourci : inconnu mais certainement plus rapide et direct. Après courtes délibérations, raccourci it is.

Nous marchons. Camilla me porte toujours. Nous marchons encore. Force est de constater que nous aurions dû retrouver le sentier principal depuis bien longtemps. La pluie tombe inlassablement. Éclairées seulement de nos torches frontales, nous peinons à déterminer notre position dans la forêt. Il faut se rendre à l’évidence, nous sommes perdues.

Nous décidons de rebrousser chemin, quand soudain, effroi! Un sang glacial traverse nos veines. Ici, à nos pieds, gît un jeune porc épique éventré. Prises de panique et pensant aux pires histoires d’horreur (note de l’auteure : je n’avais jamais vu de film d’horreur mais j’ai une bonne imagination), nous fuyons avec empressement les lieux du crime, nos yeux attentifs au moindre mouvement.

À notre plus grand soulagement, Camilla réussit un peu plus tard à retrouver un site connu de la forêt, et la piste tant attendue. En descendant la montagne (mais pas à cheval), nous atteignons enfin notre calèche de métal. Enfin en sécurité, Camilla me dépose à terre. À peine essoufflée, elle se relève en faisant virevolter sa chevelure dorée, qui rayonne au clair de lune. Camilla s’assure que nous allons toutes bien, avant de monter dans le véhicule. La dernière porte de calèche refermée, une averse retentissante s’abat sur nous. Malgré ce nouveau et dernier défi humide rendant la route périlleuse, nous finissons par atteindre notre demeure au beau milieu de la nuit. Enfin au sec, nous sommes accueillies par le reste de notre équipe de terrain, bien soulagée de nous voir arriver aussi tard.


Dès lors, Camilla fut renommée Aragorn, toujours prête à sauver son prochain de n’importe quelle situation. De mon côté, je fus appelée Gandalf le bleu dans les jours suivants, de par la couleur de mon manteau et le bâton qui me permis de me déplacer suite à cette épreuve traumatisante.

Ainsi se termina la dure traque de cette soirée du 10 juin 2019 (note de l’auteure : TRÈS légèrement romancée mais basée sur des faits réels), par Camille, Solange, Marie-Ève et Anne-Sophie, dont le récit est sans nul doute presqu’aussi épique que ceux des réels Aragorn et Gandalf.

Et la bête ? 80g de masse musculaire, de longues dents acérées… Mais personne n’a jamais vraiment été attaqué par un tamia rayé, qui plus est endormi dans son terrier. Du moins… pour le moment…

Solange

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Post date: December 14, 2020

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