par Carolyne Houle
Il est bien connu que l’environnement est un facteur important dans la survie des espèces. Des variables telles que les conditions météorologiques, les activités anthropiques et la composition du paysage sont souvent source de différences en termes de survie entre les individus d’une même population. Lorsqu’on s’intéresse à l’écologie évolutive, il est donc pertinent de se poser la question suivante: l’environnement peut-il également avoir un impact sur la sélection naturelle, soit le processus par lequel certains phénotypes sont retrouvés plus ou moins fréquemment dans une population en fonction de la capacité qu’ils procurent aux individus qui les portent à survivre et à transmettre leurs gènes aux générations suivantes?
Chez plusieurs espèces animales, on considère que les individus les plus gros et grands sont généralement plus aptes à survivre que les individus plus frêles. Même s’il est possible de généraliser plusieurs cas, peut-on réellement affirmer que certains traits (morphologiques, physiologiques, comportementaux, etc.) sont toujours avantageux pour les individus qui les portent? Prenons un exemple assez simple pour réfléchir à la question: dans un environnement où la nourriture est limitante et se trouve majoritairement en hauteur, un individu plus grand que ses congénères aurait accès à plus de nourriture, ce qui favoriserait sa survie par rapport aux autres individus, plus petits. Avoir une grande taille devrait donc être un trait qui se répand dans la population au fil des générations étant donné l’avantage qu’il procure aux individus qui le portent. Cependant, si des perturbations environnementales venaient à changer la distribution de la nourriture dans l’habitat, rendant cette dernière plus accessible près du sol, le même individu ayant une grande taille pourrait être désavantagé par rapport aux autres, puisque sa taille pourrait, par exemple, être encombrante ou l’exposer plus facilement aux prédateurs sans lui apporter de bénéfice. Dans ce cas, il est probable que ce sont plutôt les traits associés à une plus petite taille qui soient sélectionnés. Cet exemple illustre donc comment la sélection naturelle peut fluctuer en fonction des conditions environnementales. Alors que les fluctuations de sélection naturelle peuvent être qualifiées de temporelles, lorsqu’elles surviennent dans un même habitat, mais à une période temporelle différente, tel que dans l’exemple précédent, elles peuvent également survenir entre différents habitats, où elles seront alors considérées comme des fluctuations spatiales de la sélection.
Évaluer la sélection naturelle nécessite de prendre en compte 2 paramètres pouvant fluctuer de manière spatiale et temporelle, soit l’ampleur de la sélection, qui correspond à la force avec laquelle un phénotype sera sélectionné plutôt qu’un autre ainsi que la direction de la sélection qui correspond à la forme du phénotype sélectionné. Dans l’exemple précédent, l’ampleur de la sélection correspondrait à la quantification de l’avantage que procurerait une certaine taille par rapport à une autre (petit ou gros avantage?), alors que la direction de la sélection correspondrait à la valeur de taille sélectionnée (grande ou petite taille favorisée?). Ainsi, la sélection naturelle est un phénomène complexe à quantifier puisqu’elle peut constamment être soumise à des fluctuations qu’il faut impérativement prendre en compte lorsqu’on tente d’étudier ce phénomène.

Carolyne Houle est étudiante à la Maîtrise à l’Université de Sherbrooke en écologie moléculaire. Elle est passionnée par l’écologie, et plus particulièrement par les aspects évolutifs et comportementaux de cette discipline. Dans le cadre de sa maîtrise, elle étudie les fluctuations de sélection naturelle agissant sur les oisillons de l’hirondelle bicolore.
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