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Les nuits sous les dômes tournesol

Les nuits sous les dômes tournesol

Par Madeleine-Zoé Corbeil-Robitaille
Texte et autres travaux disponibles : www.mzcr.weebly.com

Ce post a été soumis lors du concours d’essai du colloque 2020 du CSBQ / This post was submitted to the 2020 QCBS symposium essay contest

Île Bylot, été 2019

J’ai pris place dans l’avion un dimanche matin du mois de juin,
Aux côtés d’une alouette qui s’auto-proclamait Capitaine Bobette.
Avec justesse et précision, elle m’enseignera l’art de l’observation,
Du repérage, de la flottaison.

Forêt boréale, taïga, toundra. Ça défile en se couvrant de neige.
Baffin. Pond Inlet, sur les ailes d’un faucon.
Forecast: 0°C celsius.

On échange la chaleur et les lueurs, c’est là une transaction réglementaire car s’il fait
chaud,
c’est de l’intérieur.
La terre est mouillée de fonte et lumière : il fait jour tout le jour, un jour variable et
soporifique. Des teintes qui s’empilent sur le Sound, des trainées de saletés squeezées
entre les langues de blanc.

Au loin les pentes de Bylot ;
L’île qui m’appelle patiemment et Fred sans émotion qui au travers des brumes, répond.
C’est un vrai perce-neige.

Les snowmobiles fendent les eaux de surface et les chiens patientent en hurlant le ventécho.
D’aussi loin, on entend les cris d’une rive à l’autre.
La marée descendue laisse place aux eaux grises et l’horizon blanc s’estompe dans les
bancs nuageux.

Pond. Pierrot, les jeunes à toute heure dehors, le candy shop, un ragoût de
phoque : l’hilarité, l’hélicoptère.
Le grand calme à vol d’oiseau.
En nini-coptère.

Le soleil chatouille nos vibrisses au moment de poser pied sur la bute. Bref arrêt au camp
1, pas le temps de niaiser vers le camp 2.
Bylot deux bylot deux pour bylot 1? La voix de Mathilde résonne. Elle sera la trame de
fond de l’île, jusqu’à ce que Radio Gilles entre en ondes.

Une tente.
Deux tentes.
Trois tentes.
Un village monté en une journée depuis une trentaine d’années.
T’as besoin d’aide avec ta tente? Un café? On a fait des brioches!

Un camp de vacances : Fred, oui l’autre Fred, Andra et Pierrot disputent une partie de
pétanque endiablée dans la lumière, les mouffles et le polar. Le polar, c’est 24/7 que ça
se passe ici – le paradis sur terre.

Les bottes de pluie aux pieds, on foule le paysage de long en large. Tel milieu humide, tel
lac, telle île. On visite des lieux mythiques : le fameux nid de goélands sur le caillou dans
le lac Goldfish.

Des points GPS.
On sillonne en série sans fin de points GPS donnant des tracks bleues sur un écran qui
s’accumulent tant qu’elles poussent en trois dimensions.

C’est une deuxième nature qui germe en moi car je fleuris scientifique sur le sol du
Nunavut, baignée de rayons. Sur la crête du buton d’à côté, les jambettes à Dédé défilent.
Et elles défilent sans fin aussi. Y’a du pluvier qui territoire en titi.

Fin juin, l’île éclot de toutes ses espèces, radieuse et puissante.
Immense et belle, saisissante.

À travers elle, les nids convoités sont cachés dans un gradient de colonie d’oies : autour ça
grouille.
Éliane pour Louis ? Ouais, j’ai trouvé un nid de bécasseau là pis…
2-3-4-5-6 cocos…
Chaque espèce y met du sien et une chose est sûre : il faut flotter des oeufs. La vie qui
s’active au sein de ceux-ci leur fait perdre la densité. Lentement ils remontent en surface
avant de percer leur coquille et certains, déjà motivés en sortant, quitteront leur nid à
peine séchés.

Les catmarins nichent dans l’humidité, les goélands rient en nous attaquant.
Les Hutchins trônent au milieu du tumulte.
On peine à trouver les limicoles!
On cherche toujours des limicoles.
Au travers de ce bordel, les renards pillent des oeufs.
La toundra, c’est un gros réfrigérateur.

Fred, le premier Fred pas l’autre Fred, installe une traverse sur la rivière à grand débit : 4
ans de cogitation. Bylot, ça a l’air que ça inspire!

On dit que les chansons comme les moustiques y naissent car tous les sujets s’y prêtent :
les labbes parasites se greffent à Marjo, les bamas tant adorés à Ram Jam – O hole in sole
bamaland
– et les cafouillages matinaux à Thomas Fersen.

On bouillonne, un bouillon rayonnant. Je vous l’ai dit, ici, ça grouille.

Des coups de soleil jusqu’au rebord des lunettes viennent esquisser le
fameux racoon sur nos visages. On soupe tard. Pâté de rails, lasagne; les
assiettes débordent, on est affamé.e.s la tête pleine. Le camp est plein
de cossins qui traînent, on se laisse trainer, ça met Fred su’l nerf et Fred
en rit.

La nouvelle espèce de l’heure : Chen freduleens.

Ça jase à toute heure dans la tente bouffe depuis plus d’un mois. Le bureau est désert
depuis le début : on préfère travailler entassé.e.s en buvant du café sous notre chandelier
en carton. Le temps s’écoule, la lumière change. Nos réserves d’énergie ne sont plus ce
qu’elles étaient et le ciel nous verse des larmes à l’idée de nous voir bientôt quitter.

La symphonie de zipper de tentes est moins vigoureuse le matin et le café disparait plus
vite.

On écoute Dragonballz pendant la rentrée de données.
Gab et Richard viennent souper. Gab et Richard repartent.

On commence à ranger. Dédé défile un peu moins. On démonte l’entrepôt, orné
d’une patche de plus cette année. On roule la clôture. On joue à la pétanque.

21 juillet, Jim arrive en nini-coptère. J’ai les yeux humides et un motton dans la gorge,
une émotion de sandwich aux oeufs. On décolle : Lilou, Andra et Fred sont de plus en plus
petits et petites et mon coeur de plus en plus gros. Le Sound limpide est plein de narvals,
c’est magnifique.
Pond se dessine à l’horizon.

Depuis longtemps, le Nord a planté ses griffes sous ma peau et les voilà qui se
resserrent. Je repars le corps vide d’avoir marché mais riche de mille hectares
de mousses et de lichens, de fleurs et d’oiseaux, de vents glaciaux et de
rivières. J’ai les collines de hummocks et les polygones mouillés d’inscrits
dans la tête et l’humidité des dernières semaines lovée dans les veines. J’ai
été avalée par la toundra.

J’aurai roulé du pied avec elle par-delà les pentes douces, j’aurai chanté ses
couleurs sous tout éclairage et j’aurai respiré sa moiteur, enivrée. Une
baignade frissonnante à la vue du Sound, les orteils repliés dans la toundra qui
vous remonte jusqu’au coeur.

On rentre bras dessus bras dessous à la maison : je laisse une famille de substitution qui
m’aura vu grandir.

Tout ce paysage semble parfait à un seul défaut près : l’Arctique carbure au gaz.
Et loin de moi la volonté d’en rajouter, je viens de mettre le pied dans l’engrenage.

  • Madeleine-Zoé

La communauté de l’antenne

Par Solange Barrault

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10 juin 2019 – Extrait du journal de bord de Solène

En cette sombre soirée, nous partons combattre la nuit et le froid, comme à notre habitude ces derniers temps. Notre escouade compte 4 personnes, dont ma fidèle acolyte Camilla. Nous ne connaissons que depuis peu Ève-Marie et Sophie-Anne, mais elles ont l’air de confiance (note de l’auteure : les noms ont été modifiés pour préserver leur anonymat, merci de votre compréhension). Avec ma cheville en rétablissement après une mauvaise chute quelques jours plus tôt, il nous fallait une équipe unie. La mission? Confirmer la localisation de la bête.

Le décor est posé pour nous: nuit noire, petite pluie fine. Une forêt dans la montagne, un hululement de chouette… La traque commence.

L’ascension est elle-même une épreuve, mais après des semaines d’entraînement, cette montée est le moindre de nos soucis. Arrivées sur le site, nous nous rendons compte que Mère Nature a encore une fois corsé le niveau. La forêt s’est transformée en un marais étendu. Les cavités naturelles se sont remplies avec la pluie incessante des derniers jours. Traverser les mares, ne pas tomber. Il fait déjà sombre. Sauter sur des roches pour passer de l’autre côté, ne pas glisser… Nous nous enfonçons dans le bois. Plus profondément. Nous faisons une confiance aveugle à notre antenne de télémétrie qui – nous l’espérons en tout cas – nous rapproche de l’antre du monstre.

Soudain les sons émis par l’appareil se font plus fort en direction du nord-ouest.

Bip bip. L’excitation mêlée d’appréhension nous tord les boyaux. Nous avançons. Bip bip. Plus vite. Bip bip. Peu importe les obstacles. Bip bip. Nous y voilà!

En silence, nous prenons les coordonnées du terrier où dort la créature. Je relève les dernières données afin que l’on puisse partir au plus vite. Tout à coup, l’arbre mort tombé à terre sur lequel je me tiens se brise, m’avalant entre ses branches – Craaac

Une douleur vive s’empare de moi. Ma cheville! Je ne peux plus bouger, je suis coincée dans les griffes de ce végétal maléfique!

Heureusement Camilla vient à mon secours, et avec l’aide d’Ève-Marie et Sophie-Anne, elle m’extirpe de mon mauvais pas. Mais impossible pour moi de marcher. Nous voilà à quatre, dont une blessée, au beau milieu de la forêt, dans la nuit noire, sous la pluie, et à deux pas de la tanière de la bête…

N’écoutant que son courage, Camilla m’agrippe et me met sur son dos. Nous repartons. Beaucoup plus lentement qu’à l’aller. Nous espérons rejoindre le sentier, et rentrer chez nous au plus vite. Deux chemins s’offrent à nous. Celui de l’aller : long, tortueux et criblé de petits lacs à traverser mais connu ; et un raccourci : inconnu mais certainement plus rapide et direct. Après courtes délibérations, raccourci it is.

Nous marchons. Camilla me porte toujours. Nous marchons encore. Force est de constater que nous aurions dû retrouver le sentier principal depuis bien longtemps. La pluie tombe inlassablement. Éclairées seulement de nos torches frontales, nous peinons à déterminer notre position dans la forêt. Il faut se rendre à l’évidence, nous sommes perdues.

Nous décidons de rebrousser chemin, quand soudain, effroi! Un sang glacial traverse nos veines. Ici, à nos pieds, gît un jeune porc épique éventré. Prises de panique et pensant aux pires histoires d’horreur (note de l’auteure : je n’avais jamais vu de film d’horreur mais j’ai une bonne imagination), nous fuyons avec empressement les lieux du crime, nos yeux attentifs au moindre mouvement.

À notre plus grand soulagement, Camilla réussit un peu plus tard à retrouver un site connu de la forêt, et la piste tant attendue. En descendant la montagne (mais pas à cheval), nous atteignons enfin notre calèche de métal. Enfin en sécurité, Camilla me dépose à terre. À peine essoufflée, elle se relève en faisant virevolter sa chevelure dorée, qui rayonne au clair de lune. Camilla s’assure que nous allons toutes bien, avant de monter dans le véhicule. La dernière porte de calèche refermée, une averse retentissante s’abat sur nous. Malgré ce nouveau et dernier défi humide rendant la route périlleuse, nous finissons par atteindre notre demeure au beau milieu de la nuit. Enfin au sec, nous sommes accueillies par le reste de notre équipe de terrain, bien soulagée de nous voir arriver aussi tard.


Dès lors, Camilla fut renommée Aragorn, toujours prête à sauver son prochain de n’importe quelle situation. De mon côté, je fus appelée Gandalf le bleu dans les jours suivants, de par la couleur de mon manteau et le bâton qui me permis de me déplacer suite à cette épreuve traumatisante.

Ainsi se termina la dure traque de cette soirée du 10 juin 2019 (note de l’auteure : TRÈS légèrement romancée mais basée sur des faits réels), par Camille, Solange, Marie-Ève et Anne-Sophie, dont le récit est sans nul doute presqu’aussi épique que ceux des réels Aragorn et Gandalf.

Et la bête ? 80g de masse musculaire, de longues dents acérées… Mais personne n’a jamais vraiment été attaqué par un tamia rayé, qui plus est endormi dans son terrier. Du moins… pour le moment…

Solange

Dans la peau d’un tamia

Par Christel Bouchetard-Aubus

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Quelle belle journée de printemps ! Parfaite pour une balade en forêt !

Je fouille entre les feuilles en décomposition. Libérées de la neige, elles cachent encore beaucoup de graines de l’automne dernier. Je prends mon temps. Le soleil est à peine levé et le bois est silencieux. Aucun danger à l’horizon. Pour autant, je reste vigilant : c’est la première règle que m’a enseignée ma mère. Elle disait sans cesse que les prédateurs étaient nombreux dans la nature. Elle pensait aussi que j’étais plus téméraire que mes frères et soeurs, et que cela me jouerait des tours un jour.

Je décide de quitter mon territoire et d’explorer les environs. Je m’arrête régulièrement pour observer autour de moi et remplir mes abajoues de graines, que je grignote de temps à autre.

Tout à coup, j’entends un tamia inquiet crier au loin. Je reprends mon exploration avec prudence.

Alors que je flâne de-ci de-là, je capte une odeur nouvelle dans les parages, faible mais merveilleusement attrayante. Qu’est-ce que cela peut être ? Il faut que je le sache !

Je hume à fond l’air et cours vers l’origine du parfum. Au pied d’une immense roche, celui-ci se fait plus fort. Un éclat gris attire mon regard. Plus je m’en approche, plus l’odeur devient entêtante.

L’éclat vient d’un drôle de trou au sol, caché entre les feuilles. Cela ne m’est pas familier mais je suis sûr que l’arôme alléchant provient de là ! Plus précisément, d’un petit tas brun posé au bord. J’avance mon museau et salive. Oh oui, c’est ça qui sent bon ! Sans hésiter, je lèche.

Oh, quelle saveur ! Je n’ai jamais rien mangé d’aussi succulent de toute ma vie ! C’est riche, onctueux, rien à voir avec des graines toutes sèches ! En trois coups de langue, je finis ce qu’il reste. J’en veux encore ! Heureusement, dans le trou, je repère un autre tas marron appétissant. Cette espèce de tunnel m’inquiète un peu… Malgré tout, la gourmandise l’emporte et je m’engouffre à l’intérieur.

L’endroit est étroit et froid, pas du tout accueillant. Ce n’est sûrement pas le terrier d’un rongeur. Je vais manger et je file d’ici aussi vite que je suis venu !

Sauf qu’il reste encore de la nourriture plus loin… Le tunnel s’arrête là et une étrange odeur s’en dégage. Pourtant je ne résiste pas à l’envie et m’avance jusqu’au fond.

Sous ma patte, je sens quelque chose bouger.

CLAC !

Je sursaute violemment. Il fait tout noir tout à coup ! Je me retourne comme je peux et réalise que l’entrée est bouchée. Misère ! Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Ma mère m’avait bien prévenu que la forêt pouvait être dangereuse et qu’il fallait se méfier. J’aurais dû l’écouter…

Mon coeur s’affole et la peur me paralyse. L’arôme de la gourmandise vient me chatouiller les narines et me distraire. Il y en a beaucoup plus par ici ! Hum, quel régal ! Bien trop vite, j’ai tout dévoré. Et maintenant ?

Je n’y avais pas prêté suffisamment attention avant, mais le trou empeste une seconde odeur moins agréable : des traces de crotte et d’urine. Je reconnais ces excréments… Ce sont ceux de mes congénères ! D’autres tamias sont venus ici, et ils ont eu peur, eux aussi, très peur. Que sont-ils donc devenus ?

J’essaie de sortir mais l’entrée est complètement bouchée. Je gratte avec mes griffes et pousse de tous les côtés. Je tente même de ronger les parois dures comme de la roche et manque d’y laisser mes dents. Je dois me rendre à l’évidence : cette caverne est un piège sans issue.

Je me replie dans un coin et attends. Que faire d’autre ? Mon coeur se calme peu à peu.

Soudain, j’entends des branches craquer et des feuilles frémir à l’extérieur. Quelque chose de gros approche… Il existe de grands animaux dans la forêt. Ma mère me disait toujours de les éviter : avec leurs énormes pattes, ils ne font pas attention aux plus petits sur leur chemin. Suis-je en sécurité ici ?

Dehors, le bruit s’arrête tout près de moi. Les grognements d’une bête inconnue me parviennent.

Puis tout se met à basculer… La caverne tourne autour de moi et je tourne avec elle, affolé.

Brusquement, une lumière apparaît et m’aveugle. Roulé en boule, je m’en cache autant que possible. Elle finit par partir et tout redevient calme et immobile.

Le répit ne dure pas. Le piège se retourne à nouveau. J’entends un son aigu et un claquement sec. Plus rien ne bouge et, surtout, le tunnel est ouvert !

Seulement, un détail me gêne… Une drôle de toile d’araignée fait obstacle à la clarté du jour. Que devrais-je faire ? Le danger est-il encore là ? Pourtant, la sortie est juste devant moi, il faut que je saisisse l’occasion avant qu’elle ne se referme…

J’attends un instant, l’ouïe aux aguets. Rien à signaler. J’avance doucement et pointe mon museau vers l’extérieur. Pouah ! Les fils qui bouchent le passage empestent l’odeur de mes congénères, bien plus qu’au fond du trou ! Mais je vois la forêt au travers… alors je fonce !

Oui, à moi la liberté ! Je suis li…

Ah ! Que se passe-t-il encore ? Je suis soulevé dans les airs, la toile puante s’est resserrée autour de moi ! Laissez-moi sortir, au secours !

Je découvre mon kidnappeur : un bipède ! Avec sa grosse tête globuleuse et ses étranges poils aux couleurs vives ! Ma mère me parlait de cet animal bruyant et envahissant, à éviter absolument !

Je me fige. Que veut-il ? Comment lui échapper ? Les autres tamias ont dû se poser les mêmes questions que moi. Ont-ils trouvé la solution ? Je m’agite dans tous les sens. Je dois chercher une sortie, n’importe laquelle.

Là ! En bas, un trou un peu plus large ! Si je pouvais l’atteindre et l’agrandir avec mes dents… Je m’arrête un instant : le bipède s’active. Bah, peu importe ! Il ne s’intéresse pas à moi. Il est trop occupé à faire du raffut et à jouer avec de drôles d’objets autour du piège — un truc bleu qui émet des sons aigus et un long bâton noir. Je gigote de plus belle pour trouver mon passage vers la liberté… L’animal grogne. Pouah ! Il me souffle dessus avec son haleine fétide !

Je n’ai pas le temps de retrouver le trou car le bipède attaque ! Il glisse une grosse patte orange et sans griffes dans la toile. Ça y est, il me touche, il m’agrippe ! Aïe ! Il m’attrape le cou. Mon coeur bat à en exploser. La panique est si intense que je reste figé sur place, incapable de me défendre. La prise se resserre sur ma pauvre nuque. Je sens quelque chose frôler ma tête…
Aïe ! Aïe ! Mes oreilles ! Elles me piquent et s’alourdissent… Que m’a-t-il fait ? Aïe ! Pourquoi me déchire-t-il les oreilles ? Il commence peut-être à me manger, petit bout par petit bout…

Mon tortionnaire relâche un peu la pression et j’en profite pour me ressaisir. Cette fois, fini de discuter ! Je m’échapperai d’ici, coûte que coûte ! Je rassemble toute mon énergie. Où est ce maudit trou ? Je gratte, je tire les fils entre mes griffes… Ah, le voilà ! Vite, au boulot ! Je commence à grignoter. La toile est coriace mais pas assez pour mes dents. Ma mère disait toujours que j’étais doué pour décortiquer les graines les plus dures.

L’animal s’énerve. Il accentue sa poigne mais ne parvient pas à me saisir. Je m’acharne un peu plus contre le filet. Oui, j’ai réussi ! Mon museau passe déjà au travers, et bientôt mes yeux !

Le bipède me souffle encore sur le bout du nez. Attends voir, toi ! Je me retourne d’un mouvement brusque… Gnac ! Je lui mords la patte ! Elle a un goût détestable mais je recommence. Victoire ! Il s’agite en grognant. Tu as mal ? Tu l’as cherché !
Oh non… Il revient à la charge et m’enserre le cou plus fermement cette fois. Je ne peux plus du tout bouger. Il me lève loin au-dessus du sol et, à ma plus grande horreur, me retourne sur le dos…

… et me voilà face à face avec le bipède !

Il soulève la toile et laisse mon abdomen à découvert. Il le tâte de sa grosse patte. Eh ! Pas touche ! Puis il relève complètement le filet et ma tête est libre. Enfin de l’air pur !

Mais sa grande tête blême est là, sous mes yeux, trop proche de moi. Si j’ai eu peur auparavant, ce n’est rien comparé à cet instant. Pour la première fois, je sens venir la fin…

Pourtant, ni crocs ni griffes ne m’attaquent. L’animal me scrute. Est-ce que tous les prédateurs agissent ainsi avant de dévorer leurs proies ? Honnêtement, je ne tiens pas à le savoir. Et puis, la poigne dans mon dos s’est relâchée. Je ne réfléchis pas plus longtemps. Mon instinct prend le contrôle.

Je donne quelques coups d’épaules et de bassin. La prise du bipède se détend un peu plus. Je pivote la tête, le thorax, les membres, tout en même temps… Mon corps vrille dans les airs alors que la patte de mon adversaire glisse sur mes poils.
J’atterris brusquement au sol et je détale, vite et loin, sans me retourner !

Derrière moi, pas un bruit. L’animal ne me poursuit même pas. Ouf ! Je m’arrête sur une souche d’arbre pour souffler. J’écoute la forêt, en arrière des battements affolés de mon coeur. Un cri me parvient du sommet d’un hêtre. J’aperçois une queue rousse et hautaine. Un cousin éloigné… Ceux-là, ils aiment nous prendre de haut. Si ça se trouve, il m’a regardé me faire torturer tout du long, en grignotant ses glands ! Je lui exprime toute ma colère. D’ailleurs, je fais pareil avec le bipède qui m’observe toujours sans bouger. Maintenant que je suis sain et sauf, il me paraît plus lent et plus bête que dangereux…
Qu’importe ! Ma mère avait raison. On ne m’y prendra plus ! À la prochaine odeur alléchante, je ne tomberai pas dans le piège, non, non, non ! Je crie une dernière fois et file vers mon terrier.

~~

Du haut d’une souche, P003 me regarde, les sens en alerte. Je ne bouge pas d’un pouce. Les tamias sont si mignons ! En plus, il y a un écureuil roux dans le hêtre juste au-dessus de lui. Quel tableau superbe ! Que la nature est merveilleuse ! Après un dernier cri, le tamia s’enfuit. Où peut-il bien aller ? Oh, comme j’aimerais être dans sa peau pour mieux le comprendre !
Je remballe mon matériel de trappage et me relève. P003 traîne encore dans les parages, je le vois au loin fureter entre les arbres. Oh, je crois qu’il s’approche de la coordonnée E6…

CLAC !

It has taken some convincing, but I belong here

By Anna L. Crofts

This post was submitted to the 2020 QCBS symposium essay contest / Ce post a été soumis lors du concours d’essai du colloque 2020 du CSBQ

This autumn, while conducting field-work at Parc national du Mont Saint Bruno, I was struck by the evolution in my feelings that not the park evoked per say, but the northern temperate forest evoked. It was a sunny day and as I waited for the GPS accuracy to resolve, I felt a sense of calmness and confidence that I associate with things of familiarity. I knew the identity of the trees that surrounded where I stood and how the forest composition would change when I moved. This feeling of comfort was in total opposition with the feeling of foreignness that I experienced at the beginning of my doctoral research when I first moved to Québec. While this foreignness was likely driven in part by the fact that the temperate forest is composed of species that were new to me, what was more apparent was the lack of nostalgia and feeling of connectedness I had previously experienced when working in other ecosystems. As I watched the GPS become more and more accurate, I was further struck by how this transition from foreignness to familiarity perfectly reflected the evolution of my relationship with my doctoral research topic. Initially, just as I felt like an outsider in the temperate forest, I felt like an outsider with regards to my research topic.

Understandably, my doctoral research is focused on a topic I am motivated by or else I would not be here in the first place; however, it is divergent from my previous research experience. While the idea of learning a new skill set and interacting with a new body of literature was initially enticing and a motivator for taking this PhD on, I never would have suspected the insecurities that arose because of it. Once I began my PhD and struggled to familiarize myself with my new research domain and attempted to generate research questions I wanted to pursue for my doctoral studies, it felt as if I had taken a big step backward from the level of academic competency I had reached at the end of my Masters. Feelings of being unqualified began to negatively affect my work productivity, which led to not meeting self-implied goals, which further drove feelings of not measuring up to the task. This positive feedback loop of self-doubt I was stuck caused me to feel like an outsider in a research space my project occupies and, in turn, I was blind to the progress I was actually accomplishing.

These feelings of being inadequate are, unfortunately, not rare in academia nor are they limited to one stage of academia. Imposter syndrome is not a barrier that must be overcome once but a recurrent struggle for some as they progress through their academic career. While imposter syndrome can be experienced by anyone, it is important to note structural inequities result in it more commonly and, or more intensely experienced by certain groups (e.g., women, visible minorities, etc.). While easier said than done, we academics need to find ways to separate these feelings from fact prior to the feelings of inadequacy being internalized to the point they become debilitating. One commonly cited approach is simply to break the silence – you are not alone, many of us have had, and will continue to have, similar experiences. In doing so, maybe more of us will learn these feelings are, merely, minor setbacks to be overcome and that we possess the knowledge, capability, and work ethic to be as successful in our undertakings as anybody else.

I have been trying to recall a specific moment, an inflection point when my attitude towards my research project changed but I think it has been more of a steady positive, but fluctuating, trend – a series of small eureka moments. I wouldn’t say I have reached the feeling of total comfort but I have reached a place of ever-increasing confidence in relation with my project. I am ready to tackle the challenges that arise in the future, I am no longer actively searching for metaphorical coniferous stands, distinct from southern Québec’s majority deciduous temperate forest, that resemble familiar spaces in which I have been successful in my past. I know I belong here.

The quest for a real-life zombie

The quest for a real-life zombie

by Javier Ibarra-Isassi

During my teenage years, I got captivated by the idea of zombies being real. It all started with playing video games, watching movies and reading books about zombies like “The zombie survival guide” by Max Brooks. I talked so much about this topic that my friends started asking me what we would do to survive a hypothetical outbreak and said that they would trust my judgement to save the group. But then, a friend asked me: “do you actually think they are real?”. This got me thinking in a new direction and I started looking about “real-life” zombies.

After some time searching around, I read about the Cordyceps fungi. Most species from this genus are endoparasitoids (a parasite that lives inside another animal) of insects and other arthropods, infamous for taking control of their hosts. One of the most infamous, Ophiocordyceps unilateralis – a complex of many species – attack Camponotini ants, alter their behavior causing them to leave their foraging trails, climb up a bush or tree to bite the major leaf vein on the abaxial surface (underside) of the leaf. The fungus then quickly grows inside the host, replacing its tissues, and erupts a fruiting body containing reproductive spores out of the host’s head. After finding this, every time I hiked around a forest, I searched for a zombified ant as evidence of “real-life” zombies.

A couple of years ago I had the opportunity of going to the cloud forest in Fortuna, Panama, as part of the NEO/BESS Tropical Biology Field Course at STRI. While hiking around, I saw something under a leaf that looked out of place. Upon taking a closer look, I saw a small white dusty bump with a stalk coming out of one side. It was so miniscule that I could not even take a proper picture. Luckily a great mycologist, Dr. Luis C. Mejía, was an instructor during that portion of the field course and confirmed my initial thoughts: it was a parasitized spider! I was stoked to have found evidence of a real-life ‘zombie’, albeit a tiny one.

‘Zombified’ spider, around 3mm in length. Photo credit: Javier Ibarra-Isassi

The white dusty bump that turned out to be a ‘zombified’ spider, around 3mm in length. Chiriquí, Panama. Photo credit: Javier Ibarra-Isassi

Finding the parasitized spider led me to read more about these parasites and the work of Dr. David P. Hughes. I found out that when an insect climbs to the underside of a leaf, it bites into the vein (termed “death grip”) and leaves a distinct bite mark. This has allowed for the identification of the “death grip” in a 48 Ma fossilized leaf found in Messel, Germany. Additionally, I found out that the mechanism through which the fungus parasite manipulates the behaviour of its host is a complex one. Studies point out that there is a downregulation of immune-related, and of maintenance and integrity-related genes. This allows the fungus colony to grow inside the host and to atrophy the mandibular muscles (leading to the “death-grip” phenotype).

Armed with more knowledge, I continued my quest for a real-life “zombie” that was more akin to what I had read about. I had also spent around 5 years looking at ants in tropical forests, so my eyes were a little bit better at spotting small things amidst the leaves. I then had the opportunity to go to the Yasuní National Park, in Amazonian Ecuador to help on a global arthropod monitoring project. During my downtime, I would go out to the trails, looking for the evidence that had eluded me up to this point. While hiking around one day, I spotted a black “twig” beneath a leaf. My heartbeat immediately raised with excitement and wonder. Could this finally be it? Have I finally found what I had read about so many years ago? YES! Low and behold, there it was, a “zombified” Camponotini ant, with the fruiting body of the fungus growing out of its head.

Fungus infected ant biting into the underside of a leaf. Coca, Ecuador. Photo credit: Javier Ibarra-Isassi

Now that I have seen evidence of real-life “zombies” I can return to my friends and tell them they are real. Not in the way we find them in entertainment media, but rather in other interesting ways. Though my quest may feel a little bit more complete now, I will still look beneath leaves and stems when I go around the forest searching for zombies.

Javier Ibarra-Isassi is a PhD Candidate in the Community Ecology and Biogeography lab in the Biology Department of Concordia University. Working under the co-supervision of Dr. Jean-Philippe Lessard (Concordia) and Dr. Tanya Handa (UQAM), he is trying to understand how biodiversity is maintained and influenced by natural and human-influenced processes. For which, he is studying how ant traits and communities vary across broad environmental gradients and how agriculture affects the natural structure of ant communities.

Joining forces: A multidisciplinary approach to biocultural conservation.

Joining forces: A multidisciplinary approach to biocultural conservation.

By Steven Schnoor and Felipe Pérez-Jvostov

We’ve all seen images of rampant deforestation across some of the largest forests around the world. To us, these grim images are merely a distant reality that we see on the news and share on social media. To many indigenous peoples, however, these images define their daily battle in preserving their traditional territories and lifestyles. Nonetheless, not all stories make it to the news. 

During our fieldwork in Panama (Steven studying the politics of engagement with local communities residing near Canadian mines in Central America, and Felipe studying how river-damming can influence the morphology of tropical fishes), we both got to experience first-hand the pervasive loss of habitats within the traditional territories of indigenous communities in Panama.

In the North Santa Fe, where Steven had previously worked, there are several rapidly progressing infrastructure development projects, including a recently constructed highway to the Caribbean Sea and a planned hydroelectric cable, both of which traverse the traditional territory of the Ngäbe and Buglé. Despite the fact that the Panamanian government has recently declared the entirety of their traditional territory to be a new national park – the Parque Nacional Reverendo Padre Jesús Héctor Gallego Herrera – the development projects have recently facilitated the entry into the region of land speculators and possible resource extraction projects. 

On the East side of the country, where Felipe was doing his research, the Emberá Drua of the Majé River face a completely different set of environmental issues than those of the Ngäbe and Buglé: hydroelectric dam development and illegal slash-and-burn deforestation for cattle pasture have destroyed approximately 20,850 acres of the forest that once existed. Without legal titles to the land they inhabit, the Emberá of Majé have long been demanding the Panamanian government to enforce the conservation of their forest. These demands have not yet been met.

With the destruction of these natural habitats we lose more than biodiversity. The livelihoods of indigenous communities like the Emberá, Ngäbé and Buglé are closely intertwined with the plants and animals around them. Traditional names and uses of endemic species are being lost at almost the same rate as the forests in which they live. Biocultural conservation and the preservation of traditional knowledge is significant now more than ever.

During meetings with Rogelio Urriola, President of the Congreso Ngäbé-Buglé and campesino of the North Santa Fe region of Panama, and Lázaro Mecha and Ceferino Zarco, representatives of the Majé Emberá territory in the Bayano region, we discussed the primary threats to biological and cultural diversity in their regions. We developed a multidisciplinary project that would bring their current environmental situation into the spotlight: Felipe would develop community mapping and GIS methodologies in collaboration with the Majé Emberá, and Steven would develop audio-visual communication workshops with the Ngäbé and Buglé. 

The work with the Majé Emberá started by comparing, from the Emberá perspective, their historical and their currently vastly degraded territory. The first map retraces the Majé Watershed, and what was once the Bayano River, during the first half of the twentieth century. The second map displays the rapid loss of biodiversity due to the combined pressures of dam development and frontier expansion. This work was spearheaded by Carmen Umana, who spent several weeks in Majé closely working with the community.   

The work with the Ngäbé and Buglé started with workshops on audio-visual communication technologies and methodologies. Steven trained 9 community members using audio-visual equipment provided by CICADA. This training has been extremely valuable, as it provides the Ngäbé and Buglé the skills to investigate, document, and disseminate the biological and cultural diversity on their territories, and the threats facing them. 

The next steps for this endeavour will be to train our indigenous partners on the use of GIS, and develop an ethnobotanic encyclopedia to investigate and document the specific drivers of habitat degradation within their traditional territories, the various ways in which these threats impact upon their cultures and the strategies for staving off these impacts and preserving the biological and cultural diversity that they now strive to defend. We will have a dedicated website where we will portray the stories (video, photo, and community maps) of how these communities struggle to defend their territories and the biodiversity therein. We hope this website will bring their issues into light and engage the broader Panamanian society to address them.

We would like to thank the QCBS for the support of this project through the HQP grant awarded to Steven and Felipe. We also received funding from CICADA, BESS, and PRISM.

Felipe Perez-Jvostov is a former postdoctoral researcher studying the effects of river damming on the morphology of tropical fish lineages, and the integration of multidisciplinary approaches to solve environmental and social issues. He currently works at the Office of Innovation and Partnerships at McGill.

Steven Schnoor works as a Research Associate with CICADA – the Centre for Indigenous Conservation and Development Alternatives, based at the Dept. of Anthropology at McGill, and teaches part-time at the Dept. of Communication Studies at Concordia. For over a decade, he has worked with Indigenous and local communities throughout Latin America and beyond, that are facing threats to their lives, livelihoods and territories through state-imposed development projects, such as large-scale metal mines.

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